A trois de mes belles sœurs : A partir d’une idée de Gwénaëlle.

« Maman est rentrée ! Maman est rentrée ! »

Les trois ados se précipitent vers Gwénaëlle et manquent de la faire tomber. Ils sont fous de joie.

« Alors ? C’était comment ? ». Ils ne la laissent pas répondre. Ils sont « trop » fiers mais elle est très fatiguée. Elle leur demande un peu de temps pour pouvoir parler. Elle va dans la cuisine. Elle a soif. Elle a faim.

Elle y a été ! Quand ils vont raconter ça demain au collège et au lycée, ils feront l’attraction de la semaine dans leur bande de copains. Ce n’est pas toutes les mères qui font un baptême de parachute ! Et surtout quand cette mère est comme la leur : la mère au foyer idéale. Habile en couture, experte en petites sauces thermomix, infatigable arpenteuse de magasins de déco. En pilier de l’équilibre familial, elle planifie les menus, organise les conduites, donne de son temps aux autres et aux siens. Bref, la maman parfaite, pas une aventurière. Ah ça non ! Les surprises, les prises de risque, la vitesse, c’est pour David, leur père, pas pour elle. Les rôles sont bien partagés chez leurs parents. D’ailleurs, les enfants la « charrient » gentiment : « Maman, tu serais cap de dormir sous la tente deux nuits ? – non », « Maman, tu serais cap de marcher sur le GR 20 en Corse ? – non », « Maman, tu serais cap de … ? – non ». C’en est devenu un jeu. A force, ils se sont habitués à l’image « plan-plan » de leur maman.

Mais parfois, elle rêve… Et si… Et si j’étais plus jeune… Et si j’étais différente… Et si… et si j’osais ! Son amie Stéphanie lui avait dit que la crise de la quarantaine réveillait des envies insoupçonnées ! Alors, il y a un mois quand pour son anniversaire les ados lui ont demandé « Maman, tu serais cap de sauter en parachute pour tes 45 ans ? » Elle a répondu oui sans bien réfléchir. Oui ? oui-oui ! C’est bien ce qu’elle a dit « OUI ». Ca a été une explosion de hourras et avant qu’elle n’ait eu le temps de réaliser, son mari très fier avait réservé un baptême. Il avait trouvé sur internet une association CCO, d’anciens commandos reconvertis en initiation au premier saut.

Ils se sont assis, ils trépignent en l’attendant. Ils se font le récit d’avance : Le mal de cœur dans l’avion, le basculement, le vide, la force de l’air dans la chute, le choc dans tout le corps de l’ouverture du parachute… Ils ont tout lu sur le sujet pour vivre le saut avec elle. Ils étaient mieux préparés qu’elle ! Mais quand elle sort de la cuisine, désolée, elle leur dit qu’elle ne peut pas raconter ce soir : « J’ai eu trop peur », elle monte se coucher sans écouter leurs cris de déception désespérée.

David se souvient qu’il a pris l’option « film » dans le forfait saut. Tant pis, ils vont le regarder sans elle. Le fichier est disponible sur le site. Ils se mettent les uns sur les autres pour voir le petit écran de la tablette. C’est elle, là, avec le casque, les lunettes de mouche et l’énorme sac à dos.

« Mets lecture ! Mets lecture ! »

Il appuie sur l’écran. Rien ne se passe. Il retéléchargent le fichier, ils se bousculent, ils voient mal à quatre sur l’écran. David s’énerve. Ca ne marche pas. C’est dingue d’avoir payer ce prix pour que ça beugue. Il va les appeler demain aux aurores. Quand il monte se coucher, Gwénaëlle dort. Ca l’attendrit. Elle a dû être drôlement secouée. On le serait à moins… Tout de même, elle, sa femme, a sauté en parachute.

Elle dort tard le lendemain. Sans attendre qu’elle se réveille, il appelle très mécontent CCO pour réclamer des explications. C’est justement le parachutiste en charge du vol d’hier qui décroche et qui répond surpris : « Mais votre femme était tellement terrifiée qu’elle n’a jamais pu sauter ! Alors on a pris une photo dans la carlingue et on est rentrés à l’aérodrome en avion ! »

David raccroche… Une super-maman n’est pas super-woman !

Atelier bric à book #289