Son pantalon de travail est rêche mais Michelo ne le sent pas. Les taches de peinture de toutes teintes ont raidi le tissu mais peu lui importe, à genoux au sol, il se déplace à peine tout attentif à son activité.
De la peinture ? Michelo passe ses journées à en couvrir les murs, les façades, les plafonds mais pas comme le grand Michel-Angelo dont il porte presque le prénom. Non pas comme lui parce que Michelo est peintre en bâtiment. Artiste ? Pourquoi ne l’est-il pas ? Peut-être parce que ses parents quand enfant, il gribouillait ses motifs n’avaient pas vu qu’il avait un don… peut-être parce qu’immigrés, ils n’avaient pas l’argent, pas les contacts, pas la priorité pour l’orienter dans cette voie… peut-être tout bonnement parce que Michelo était un bon garçon, un peu « simple » et que le bâtiment, c’était à sa portée, alors que le milieu de l’art… oulà ! c’était au-dessus de ses, de leurs moyens…
Après sa journée, après avoir enduit les surfaces qui sont faites pour cela, Michelo peut dessiner pour lui, sur le sol qu’il s’est approprié car nul ne pense à en faire un support. Pour lui ? tout seul ? pas tout à fait… A voir tous ces gens qui s’arrêtent quelques secondes, quelques minutes, en silence, en admiration, ou qui entament la conversation, on devine que ses dessins interpellent. Ils ne représentent rien mais il met tant de grâce et de cœur à tracer ces volutes, ces courbes et ces arabesques que ses gestes apaisent et fascinent. Il met tant de douceur à glisser sa craie sur le sol -car c’est avec une craie qu’il crée ses œuvres éphémères-, et tant de délicatesse qu’elle ne crisse pas et c’est comme un prodige de voir ce grand gaillard plié en deux sur les dalles qui conservent les traces de ses caresses jusqu’à la prochaine pluie.
La nuit tombe, Michelo monte chez lui et attend patiemment à la fenêtre. Non, il ne dessine pas que pour lui tout seul… Les autres ne le savent pas mais elle va arriver… Cette femme, si belle -trop pour lui- qui rentre du travail, chaque soir à la même heure, chaque soir par le même trajet. Elle s’arrêtera, elle comme les autres tout à l’heure, intriguée par ce carré ouvert au sol comme un miroir dans lequel chacun plonge quelques instants dans un temps et un espace de rêves. Puis elle continuera son chemin et le claquement des hauts talons s’éloignera doucement, laissant Michelo heureux d’avoir pu, quelques secondes, capter son attention.
Atelier d’écriture #281 Bricabook, photo de Jordane Saget
C’est un très beau texte. Avec une tension qui prend de l’ampleur petit à petit. Bravo.
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Merci. C’est gentil.
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une très belle idée de texte ! une chute extra !
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merci !
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Une très agréable lecture ! L’idée est bonne, le texte est fluide et l’histoire bien trouvée, tout comme le texte !
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Bravo pour ce texte qui est tres touchant et tres bien écrit. J’aime beaucoup. Merci pour ce doux moment.
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merci Valérie
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Superbe ! c’est une succession de mots et de phrases, un écrit délicat qui s’ajuste parfaitement sur les dessins éphémères de Jordane, c’est parfait, et cette phrase qui dit tout « de voir ce grand gaillard plié en deux sur les dalles qui conservent les traces de ses caresses jusqu’à la prochaine pluie. » et cette femme qui un instant arrête sa course, intriguée, observe dans le noir cette fresque, merci pour cette lecture éclairante
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merci !
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Très beau. Bravo . De belles images…celle du grand gaillard …est touchante
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Merci Tania !
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Espérons qu’un jour cette femme le remarque.
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une rencontre est toujours possible ! Il peut aussi s’attacher à qqn de plus accessible…
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C’est un très beau texte que tu nous proposes ici, je me suis perdue dans les arabesques de ses dessins gravés quelques heures sur le sol. Merci à toi
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