Maxime tourne en rond. Ca fait dix fois qu’il propulse sa petite voiture contre les autres pour provoquer un accident mais il en assez. Il laisse ses carambolages pour aller près de sa mère qui est dans la cuisine.

« Maman, tu viens jouer avec moi ?

Elle est plongée dans son grand cahier. Elle ne l’entend pas.

– Mamaaaan, tu viens jouer avec moooooi ?

– J’ai mieux à te proposer : tu vas choisir ce que l’on va diner. Viens lire avec moi ma collection de recettes ».

C’est ainsi qu’elle appelle tous ces papiers qu’elle a découpés, collés, annotés et complétés au fil de ses expériences. Son trésor !

Maxime grimpe sur les genoux maternels et s’y fait une place au chaud. Il ne sait pas lire mais en feuilletant les pages, il tombe en arrêt devant l’image fascinante d’une soupière emplie d’un liquide rouge flamboyant.

« C’est quoi ? » Avant de répondre, elle parcourt la liste des ingrédients, vérifie mentalement ses réserves et après un temps de silence qu’elle étire, annonce mystérieusement : « soupe de pirates, façon sorcière.  Tu veux ? »

Maxime est un peu effrayé mais il est prêt à s’embarquer dans cette aventure culinaire avec elle.

Cette recette secrète exige d’être dans un décor ténébreux, elle lui bande un œil et baisse la lumière. Ses sens aux aguets, il voit les remous infernaux dans la casserole. D’une voix vengeresse, elle annonce que les pirates Tom, Tommy, Thomas et Timothée ont été condamnés au supplice de l’ébouillantement. Trop terrifiés sans doute, les bandits ne hurlent pas, il entend seulement l’éclaboussure des corps jeter dans la marmite. Elle ouvre un filet d’eau au robinet. Avec un rire rocailleux, elle explique que l’eau froide va l’aider à scalper la peau des coupables. Elle lui fait palper leur chair chaude. C’est doux et humide. Elle a attrapé un autre renégat aux « 36 costumes ». Lui, sera coupé en tranches. Le claquement des coups de poignard sur la planche prouve la vaillance de sa mère. Mais une odeur fétide lui brûle les yeux.

« Maman, arrête, ça me fait pleurer »

Sans s’apitoyer, elle lit sentencieusement qu’une larme d’enfant donnera à cette soupe des pouvoirs magiques. Elle les recueille en tamponnant doucement un mouchoir sur le visage de Maxime. Puis ouvre la fenêtre pour que le grand air emporte au vent les maléfices.

Elle ajoute encore quelques ingrédients et des herbes tirées de fioles odorantes. Une mixture rouge vif frémit dans la casserole. Le geste final revient à Maxime : sa mère a détaché toutes les lettres du cahier et les a mises dans un verre. Le sortilège s’accomplira si une main innocente les verse dans le bouillon de pirates.

A l’heure de dîner, sa mère lui demande de sortir de la potion qui est dans son assiette autant de lettres que son âge : avec il pourra former un mot de la recette. Il en tire quatre. Cela compose « code ». Ensemble, ils réfléchissent. Ils ont dû se tromper, il n’y avait pas ce terme-là. Alors Maxime déclare qu’il aura cinq ans demain et tire une lettre supplémentaire : « r »

Maman exulte :  » ça fait « décor » ! On a réussi ! « 

Atelier bric à book #290


Je participe à cet atelier pour progresser alors n’hésitez pas à commenter sincèrement pour faire la chasse à toutes faiblesses, erreurs, fautes d’orthographe… Merci de votre honnêteté.